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Etre ou ne pas être, telle est la fausse question du sujet de l'analys(t)e. Ou de la subversion ...

Cartel du 19 Septembre 2018


L'Acte analytique, J. Lacan,


Séance du 7 Février 1968



Etre ou ne pas être, telle est la fausse question du sujet de l'analys(t)e,


Ou de la subversion du leurre ontologique,



Le "psychanalysant, en situation dans le discours, est à la place du sujet" (SXV 69), nous dit Lacan.


Cet énoncé prend place au coeur d'une révision radicale par Lacan de ce qui est appelé par les analystes "didactique", révision qui est la conséquence, au sens fort, de sa pensée de ce que fait une psychanalyse.

Il prend place au coeur de ce que Lacan déduit lui-même des ressorts des effets de l'analyse, à savoir l'impossibilité de la transmission de l'analyse sous la forme d'un apprentissage, nécessairement technique, de personne à personne. Ca ne s'apprend pas comme savoir conscient.

L'on passe ainsi de la technique à l'éthique.


Est impliqué par là même qu'il n'y a pas de sachant en analyse, il n'y a que des analysants au travail, comme Lacan peut l'être faisant séminaire. C'est pourquoi il y a rapport entre l'objet a de l'analyste et l'objet de "son" désir d'analyste.

Par conséquent, le psychanalyste en séance ne doit pas être pensé comme possesseur d'un savoir que n'aurait pas le psychanalysant et qu'il devrait lui transmettre, à rebours du savoir de l'Oedipe transmis par Freud aux débuts de la psychanalyse.


C'est ce que met en place progressivement Lacan au cours de ce séminaire : la dissociation entre l'analyste et le sujet supposé savoir, le décollement du sujet supposé savoir et de la personne de l'analyste, de la personne bien évidemment, mais peut-être aussi bien de l'analyste comme sujet.

Le sujet supposé savoir n'est pas déjà là au départ, sauf peut-être dans le transfert à l'analyste, il est ce vers quoi va l'analysant (Le psychanalysant au départ prend son bâton, charge sa besace pour aller à la rencontre du rendez-vous avec le sujet supposé savoir SXV 55), en tant que mirage, puisqu'il ne sera pas non plus là à la fin, c'est l'objet a qui prendra sa place.

Cela ne fonctionne que si ou que parce que le psychanalyste est interdit d'agir là où il est requis : il n'y a pas de signifiant qui remplisse la case du sujet supposé savoir.

Cela produit la tension de l'analyse.


C'est bien l'éventration du sujet classique, cartésien donc, qu'opère Lacan avec insistance, car, sinon, comment penser ce qu'il se passe en analyse. Ce que reproche par exemple Onfray, oui, je sais, à l'analyse est qu'elle amplifierait le moi, narcissique, narcissique, au sens où la fonction du moi serait d'abord et avant tout le régime de l'analyse. Alors qu'au contraire ce dispositif engage sa destruction façon puzzle, mais pas au sens de la schizophrénie.


Ce dynamitage qui s'étand jusqu'au sujet, donc. Comment ?

C'est d'adord dans ses présupposés que le sujet est pourfendu.


Pour comprendre pourquoi le psychanalysant, dans le discours, est à la place du sujet, il faut reprendre la distinction tout juste précédemment opérée par Lacan entre le faire et l'acte (SXV 57), distinction qui ne signe rien d'autre qu'une béance : il y a les maîtres, ceux qui ont affaire avec l'acte, et il y a ceux qui ont affaire avec le 'faire", un faire de pure parole, l'association libre, la tâche du sujet que de laisser [le signifiant] à son jeu.


Sauf que, comme le précise Lacan, cette distinction antédiluvienne doit subir une modification pour être cohérente avec la vérité de l'expérience analytique : il s'agit de donner au faire un autre corps un peu moins simple que le sujet que suppose l'acte.

Formule pas très simple dont nous dirions qu'elle pose que le sujet n'est pas tout entier du côté de l'acte, ce qui confirme que c'est le psychanalysant, qui est du côté du faire, peut être, dans le discours, le sujet.

Le sujet est celui auquel on accorde traditionnellement en philosophie les distinctions honorifiques de la maîtrise. Or Lacan ajoute précisément que ce n'est pas forcément et uniquement ... le sujet qui commande.


Laisser le signifiant à son jeu implique que le sujet s'en absente (SXV 57). C'est exactement ce que déduit Lacan de sa référence à Aristote : le sujet est irrécupérable sous le mode où iil se manifeste dans le proposition (SXV 70).


En cohérence avec à la fois la référence à la linguistique, à savoir les premiers développements sur le désir qui court sous la phrase, et la référence aux effets de langue (les implications de l'affirmation selon laquelle "je suis menteur"), la réduction du sujet à son indexation à l'objet a conduit à ce qu'on puisse également appliquer cette réduction au sujet dans l'analyse : sujet supposé savoir, sujet-psychanalyste.


L'enjeu est de déterminer : qui, quoi, peut être dit - prédicat - psychanalyste ? (SXV 69).


Alors que ses adversaires l'ont exclu, le considérant comme inapte à être didacticien, lui élabore les conditions de possibilité de la position de psychanalyste en cohérence avec la pensée du sujet issue de la cure psychanalytique : ce n'est donc pas avec le moi que l'on peut prendre cette place, c'est avec l'inconscient, et cela s'inaugure par un acte.


La phrase d'Aristote (La substance individuelle n'est ni dans un sujet ni affirmé d'un sujet, SXV 70) reprise par Lacan est puissante en tant qu'elle manifeste en particulier ce que l'élaboration logique d'Aristote manifeste en général mais son mystère tient avant tout dans l'absence d'usage de ses termes. Reprenons L'organon.


L'ousia se répartit chez Aristote en substance première (ce cheval) et seconde (cheval en tant qu'essence = universel). Etant donné qu'il s'agit d'établir les règles logiques du langage, c'est le statut du prédicat qui est le contexte de l'affirmation que prélève Lacan, justement parce que ce qui l'intéresse est de savoir qui-quoi peut être dit psychanalyste.


Etre dans un sujet veut dire être une partie de ce sujet : l'accident particulier n'emporte aucune nécessité. Exemple : ce cheval est blanc. Il ne s'agit pas d'un prédicat selon Aristote. La blancheur ne se subsume pas sous la catégorie cheval. Ce n'est pas une substance.


Dans Colette Soler est psychanalyste, que la formation de l'inconscient jusqu'à l'objet a soit dans Colette Soler est-il un pur accident particulier ? De telle sorte que psychanalyste ne soit pas être une essence et ne puisse jamais être prédicat ?


Que ce cheval soit blanc n'implique pas que tous les chevaux soient blancs, que cette femme soit psychanalyste n'implique pas que toutes les femmes soient psychanalystes. L'on ne voit pas comment psychanalyste pourrait être un prédicat.

Car si je disais que Colette Soler est - prédicat - psychanalyste, cela signifierait que la définition de psychanalyste pourrait être attribuée à toutes les femmes.


L'accident est ce qui fait partie du sujet individuel et non à son espèce de femme, mais à l'espèce de son psychisme, oui.


Etre affirmé d'un sujet désigne l'attribution à un sujet d'un universel, substance seconde, non accidentel. Exemple : ce cheval individuel est un cheval.

Cheval désigne une essence, possède des caractéristiques définitionnelles que cette affirmation attribue également à ce cheval individuel. Ce cheval individuel se subsume sous l'essence ou catégorie cheval : l'universel est ce dont la nature est d'être affirmé de plusieurs sujets. Ce n'est pas par accident que ce cheval individuel est un cheval. Le prédicat est une espèce. Je peux en déduire tout un tas de choses et fabriquer des tableaux.


En revanche, on peut dire beaucoup de choses de la femme en général à partir de la logique de sa formation de l'inconscient, car le statut de l'accident en psychanalyse n'est pas celui de la science aristotélicienne.

Du pathologique est née la science du normal pour la première, de l'accident l'on ne peut rien déduire pour la seconde : le contingent y est alors équivalent au sans loi et fait barrage à la science.


L'accident n'est pas que particulier, il peut aussi être universel, l'on est alors dans le monde des idées. Par exemple, la science est dans l'âme (accident : tout âme n'est pas scientifique), et la science est affirmée de la grammaire (universel : la grammaire est une science, par définition).


Attendez : "psychanalyste" pourrait-il être un accident universel ? La logique lacanienne de la psychanalyse est dans le désir jusqu'à l'os de Colette Soler (accident : tout désir n'a pas été découvert jusqu'à cet os) et la logique lacanienne de la psychanalyse est une logique, donc un universel. Ce qui ne marche pas, car il y aurait une béance entre la logique et la formation de l'inconscient ?


Ce qui n'est ni dans un sujet (donc pas un accident particulier : je ne peux pas ne pas être) ni affirmé d'un sujet (je ne suis pas un universel, essence, espèce, substance seconde) est la substance individuelle ou première, c'est cette femme, sans ajout, être singulier. Le singulier est ce qui ne peut pas être affirmé de plusieurs sujets, par exemple Colette Soler. C'est l'exemple d'Aristote, enfin, pas Colette Soler mais Callias, un copain à lui.


L'on voit que la logique de l'inconscient qui distingue le sujet de l'énoncé du sujet de l'énonciation ne correspond pas à la logique classique produite par Aristote.

Il n'est possible de faire école qu'à partir de l'enseignement de Lacan, mais non à partir de la formation de l'inconscient visée par cet enseignement, d'où la possibilité de tout savoir sur le discours du maître et de tout de même prendre la position du maître dès que l'occasion se présente, par exemple comme plus-un de cartel.


La distinction entre ces deux sujets est proprement humaine : la chienne de Lacan n'a pas accès à la différence pure, c'est-à-dire à la différence du signifiant d'avec lui-même, ce qui veut dire qu'elle ne le prend jamais pour un autre (SIX 58). Alors que c'est ce que produit le transfert.

Cette distinction repose sur le fait que A (signifiant) n'est pas égal à A, et implique que le sujet qui nous intéresse n'est pas un être.

C'est pourquoi le sujet est, comme discours, le produit des effets de la parole (SXV 69) et non l'instance qui en serait à son origine et en serait le maître, comme dans les Méditations métaphysiques de Descartes, qui construit les principes du monde comme il veut.


Dire que le psychanalysant, est, dans le discours, le sujet, n'implique pas l'être du psychanalysant en tant qu'être, c'est le sujet comme fonction du discours, fonction au sens mathématique d'agent souterrain. et principiel logique.


Il y a un autre biais, plusieurs fois repris par Lacan, y compris dans le séminaire auquel il fait ici référence, par lequel dégommer le sujet comme être, comme substance ontologique, et également à partir de la distinction énoncé / énonciation.

C'est l'expression de la négation dans la langue française : le 'ne' dans "Je crains qu'il ne vienne". Ce "ne" a une fonction discordantielle, à la différence du "pas" ou "point", qui a une fonction exclusive du réel. Ce "ne" produit une dissonnance, c'est la trace du sujet de l'inconscient (qui souhaite qu'il ne vienne pas), qui est incarné dans le signifiant, et nulle part ailleurs (SIX 108). Le "Je" de l'énonciation n'est pas présent dans le "Je" de l'énoncé mais dans le "ne".


La nécessité de construire une autre logique que la logique traditionnelle afin de saisir celle de l'inconscient est illustrée par la schématisation de la logique propositionnelle que reprend ici Lacan (SXV 70) : tentant s'appliquer la métaphore paternelle, élément fondamental de la psychanalyse, à la logique traditionnelle, l'échec de cette tentative se révèle dans ceci que deux propositions contraires sont vraies en même temps, ce qui est impossible en logique classique.


Le métaphore paternelle est formulée ainsi dans L'identification : "tout père est Dieu".

Ce que l'on voit, c'est que le secteur vide, dénué de trait, illustre tout aussi bien les deux propositions suivantes : "tout trait est vertical" et "nul trait n'est vertical" (car qu'il n'y ait pas de trait n'implique pas que tout trait ne soit pas vertical, donc "tout trait est vertical" est vrai quand il n'y a pas de trait), donc qu'il n'y ait pas de père illustre que "tout père est Dieu" et que "Nul père n'est Dieu", ce qui est impossible en logique classique (SIX 117).

Et, ensuite, que le secteur dont les traits sont non verticaux illustrent qu'il y a des traits non verticaux ou qu'il y a des pères qui ne sont pas Dieu.


Par conséquent, ces deux secteurs (traits non verticaux et absence de trait) illustrent en tant que physis ou existence, ce que Lacan appelle dans L'identification la lexis, la proposition universelle en termes aristotéliciens, à savoir, "tout trait est vertical" ou " tout père est Dieu" (SIX 118).

Ainsi Nul est la racine de tous (SIX 317).


Qu'il n'y ait pas de père qui soit Dieu n'implique pas qu'il soit faux que "tout père soit Dieu". Car il reste à l'existence de se mesurer à la lexis. L'existence ne doit pas être comprise comme une ousia particulière, un sujet individuel, mais comme dans l'expression "il pleut", "nous avons la grêle", ou dans ce qu'énonce la formule "il s'agit" (SIX 314).

Que l'absence de père ou que quelque père ne soit pas Dieu prouve que tout père est Dieu revient à dire que la nullité - au sens du zéro - prouve l'universel (SIX 313).


Ce qu'il faut en comprendre est que la nature du sujet inconscient pulvérise et rend caduque la logique classique de le proposition : la prédication, qui implique la notion d'universel, semble alors impossible. Cette impossibilité est cohérente avec la nature de l'objet a, objet-cause du désir, qui toujours se dérobe (SIX 316). C'est donc la catégorie du réel, élaborée par Lacan, qui remet en cause cette logique.


La question qui n'est pas posée au sein de la logique classique et qui est mise au jour par les conséquences de l'inconscient sur la pensée du sujet est celle de savoir pourquoi un signifiant pourrait saisir la moindre chose (SIX 313), à revers du fonctionnement de toute la vie quotidienne (et c'est justement la perturbation de celle-ci qui origine en partie la mise au jour de l'inconscient).

Si le signifiant ne peut pas saisir la chose, encore moins la Chose, l'on comprend que le sujet de la psychanalyse est rétif à la logique classique de la proposition.


Ce qu'un signifiant ne peut pas saisir est le sujet, même s'il le détermine : il le détermine car le sujet est second par rapport au signifiant (SIX 327), mais ne le définit pas, car le signifiant qui le représente ne le représente que pour un autre signifiant (SXV 71).


Ansi, la où il n'y a pas de trait dans le schéma est la définition recevable du sujet sous toute énonciation prédicative (SXV 71) :


c'est dire que le sujet fonctionne comme n'étant pas (SXV 72).


Ce à quoi se soumet précisément le psychanalysant dans l'association libre : le sujet abdique dans le discours de l'association libre. Il n'est qu'effet de discours (SXV 72).


C'est en tant qu'effet de discours que le sujet de la psychanalyse rejoint finalement le sujet aristotélicien.

Car, si Lacan semble se ranger dans la catégorie pourtant pourfendue peu de temps auparavant, à savoir celle des professeurs d'Université qui savent qu'Aristote "ne s'apercevait pas de quelque chose" (SXV 58), en disant qu'Aristote méconnaît (SXV 71) telle et telle chose, c'est en fin de compte pour dire à peu près la même chose, à savoir qu'il faut distinguer l'énoncé et le mode d'énonciation. Aristote, dans la logique, ne s'occupe que de logique. Pas d'éthique ni de physique ni de métaphysique, ce qu'il fait brillamment ailleurs. C'est au niveau du discours et non au niveau de l'être que les règles sont élaborées par lui.


Lacan affirme que l'exclusion du secteur vide dans ses conséquences logiques donne l'illusion que la particulière est une affirmation d'existence (SXV 72) or la particulière dans la logique d'Aristote n'est qu'un mode d'affirmation, différent de ce dont il affirme quelque chose.


Le sujet n'est donc pas un être : l'indexation du sujet à un trait unaire n'est pas équivalente à un fourrage - mais peut être une farce - ontologique, car ce n'est pas une détermiantion qui se range sous une proposition de la logique classique, le trait unaire n'est pas un prédicat. D'où la necessité de la topologie pour saisir la logique du sujet de la psychanalyse, et non les cercles d'Euler ou petites patates par lesquelles l'on imaginarise depuis l'enfance les différentes partitions de l'être. Seule la topologie est au niveau du réel.


C'est ce que démontre Lacan par l'absence de pertinence du traçage du cercle des psychanalystes à l'intérieur du cercle des psychanalysés, les psychanalystes pouvant être définis comme devant être psychanalysés (SIX 314) : la question n'est pas de savoir s'il est psychanalysé, le psychanalyste, ni même ce que cela veut dire que d'être psychanalysé, mais qu'est-ce que cela lui fait, au psychanalyste, d'être psychanalysé, ceci en tant que psychanalyste, et non pas partie des psychanalysés. Etre psychanalyste, c'est donc être psychanalysé mais en tant que psychanalyste.


La comparaison qu'opère alors Lacan est très intéressante, à rebours de la proposition classique "tout homme est mortel" : c'est de savoir ce que cela fait à l'homme d'être mortel, d'attraper le tourbillon que se produit quelque part au centre de la notion d'homme, du fait de sa conjonction au prédicat "mortel" (SIX 315), ce que Lacan renvoie in fine à l'instinct de mort freudien, donc au réel qui insiste. Le tourbillon comme élément topologique qui seul demeure le lieu de l'être. Saisir ce qu'est être psychanalysé en tant que psychanalyste exige de saisir les conséquences les plus profondes de cette psychanalyse sur le psychanalysant. Et le tourbillon est peut-être ce que produit l'apparition de l'objet a.


Comme la rappelle Lacan dans ce séminaire précédent, la proposition ne peut pas saisir l'objet de désir, et dans l'algèbre du graphe auquel il nous enjoint de nous familiariser, nulle part nous ne voyons conjoints D et a (SIX 332), c'est-à-dire la demande ou énoncé avec l'objet du désir. Idem pour le désir du psychanalyste, non pas le désir de tel ou tel, mais le désir-du-psychanalyste.


Si le psychanalsyte est production (SXV74), rien d'universel ne peut être dit de lui.


C'est dire que la qualification du psychanalyste ne se supporte que de la tâche achevée du psychanalysant : il s'agit de savoir comment le psychanalysant peut passer au psychanalyste (SXV 73).


Puisque ce qui est le coeur de cette anti-didactique est ce que ça fait au psychanalyste d'être psychanalysé en tant que psychanalyste, pas d'être psychanalysé tout court, comme si après on pouvait passer à autre chose, comme si c'était fait une fois pour toutes, la maîtrise du processus étant acquise.


Toutefois, que l'acte psychanalytique soit posé au principe, donc à l'inauguration de l'installation en tant que psychanalyste, exemple paradigmatique du passage du psychanalysant au psychanalyste, c'est-à-dire de la tâche achevée, laisse à penser qu'il y ait un avant et un après l'affrontement au réel de l'objet a.


Mais cette production du psychanalyste est logique et non temporelle, comme la métaphore paternelle. Elle prend effet logiquement dans les cures à porter. Peut-être dans le rapport entre l'objet-cause du désir du psychanalyste et l'objet-cause du désir du psychanalyste en tant que psychanalysant. Et l'objet-cause du désir du psychanalysant dont le psychanalyste se charge ?


La qualification du psychanalyste se passe du psychanalysant au psychanalyste : ne se passe-t-elle pas pour le psychanalyste face au psychanalysant, au sens où le psychanalysant constituerait - le tuerait aussi, puisqu'il y fait le mort - le psychanalyste durant l'analyse ? Ce qui expliquerait que s'il n'y avait pas de psychanalysant, il n'y aurait pas de psychanalyste (SXV 74).


La qualification du psychanalyste se passe du psychanalysant au psychanalyste : ne se passe-t-elle pas pour tout psychanalysant face au psychanalyste, au sens où l'on voit bien que cette détermination de la production du psychanalyste est le principe de l'achèvement de la tâche du psychanalysant, donc que toute psychanalyse est didactique en elle-même. et par principe.

La fin de l'analyse est la condition de possibilité du passage à l'analyste. L'acte est le principe, au sens de la cause à la fois efficiente et finale, de la tâche pour le psychanalysant, face au psychanalyste ou pour le psychanalyste qui reste psychanalysant.


Nous avons vu qu'être psychanalyste, c'est être psychanalysé mais seulement en tant que psychanalyste. Mais si être psychanalysé, c'est l'être jusqu'à la réapparition de l'objet a, réapparition qui est la condition nécessaire du passage à l'analyste, alors être psychanalysé en tant que psychanalyste, c'est être psychanalysé, point.


Peut-être que rien d'universel ne peut être dit du psychanalyste, mais Lacan en dit tout de même quelque chose d'universel, qui définit avec humour celui qui est de cette espèce (SXV75), avec humour car il reprend le terme désignant l'universel en tant que substance seconde aristotélicienne (par exemple "homme" comme essence de tel homme individuel), mais lui ajoute la Stimmung du terme "espèce" qui se trouve au début des phrases insultantes, telle "espèce de psychanalyste, va !".


Cet universel constitue une définition qui élimine toute prise sur le psychanalyste de l'affect relatif à ce par quoi communique tout être humain dans toute fonction avec son semblable (SXV75).


C'est la manière négative d'exposer sa définition.

La manière positive est liée aux termes de la logique de la psychanalyse développée par Lacan, depuis le tout début de son enseignement, par exemple le schéma L, qui met au jour le rapport symbolique qui transcende le lien imaginaire entre par exemple le psychanalysant et le psychanalyste, mais tout aussi bien entre la mère et son fils.


C'est ce qu'il nomme ici toute cette algèbre : le S barré, le (a), voire le A et le i(a)... (SXV 75).


Le psychanalyste est défini comme celui qui instaure la tâche du psychanalysant, par son acte, et la soutient en ne voyant dans ses rapports avec le psychanalysant que ces rapports algèbriques. Cela veut dire aussi pouvoir traduire ce qu'il se passe dans la cure dans cette langue. Ce qui rappelle le titre de l'ouvrage de Mannoni que toute théorie est fiction. L'intellection mathématique du monde.


C'est celui qui est capable de se tenir à ce niveau : peut-on penser que des analystes n'utilisant pas cette algèbre peuvent aussi soutenir la tâche de leus analysants jusqu'au point d'achèvement de leurs analyses, à savoir la chute de l'objet a ?


Cette définition du psychanalyste concernce cette sorte de sujet (SXV 75), formule intéressante qui rappelle que le psychanalysant est le seul sujet dans la cure : au sujet-psychanalysant correspond non pas le sujet-psychanalyste mais l'être, non pas du psychanalyste, mais l'être de psychanalyste (SXV 75) dont la formule peut être rapprochée de celle du désir de l'analyste et non pas de tel psychanalyste.


Au sujet-psychanalysant correspond cette sorte de sujet qu'est l'être de psychanalyste.

Plus universel, dans le discours, tu meurs. Et cela semble patauger dans le bouillon ontologique.

Toutefois, comme individu, rien de moins universel que cette détermination, puisque l'achèvement de la tâche du psychanalyste-psychanalysant produit le plus singulier qui soit, à savoir l'articulation de l'objet-cause du désir de l'analysant psychanalyste et du désir de l'analyste porteur de son acte inaugural qui le mettra face à un psychanalysant et pourra autoriser la tâche analysante (SXV 75).


Autoriser la tâche analysante est une formule très forte car de nombreuses choses peuvent interdire la tâche analysante, la rendre impossible, la biaiser. Et c'est aussi dû à l'insuffisance de l'anayse poursuivie ou à l'incapacité des analystes qui ont conduit les cures du devenu psychanalyste à se tenir au niveau algèbrique nécessaire.


Cela dessine une filiation analytique stricte et exige l'Ecole. Car Lacan est le seul selon lui a avoir dénoncé que la foi dans le sujet supposé savoir était intenable, et seul son enseignement permet au psychanalyste (=psychanalyste lacanien) de le mesurer (SXV 75). Lacan est donc ainsi l'étalon de la psychanalyse.


Se dessine un autre élément caractéristique de la complexion psychique de Lacan analyste, qui fait de sa théorie la production de sa fiction singulière, à savoir l'affirmation selon laquelle le support de l'objet a serait un en soi du psychanalyste. Le sein, le déchet, le regard, la voix du psychanalyste sont en soi le support des objets a et ce n'est pas métaphorique (SXV 73).


A l'image de la nécessité de la rigueur algèbrique, ça fait psychotique, dans la continuité de son entrée en théorie par la psychose, théorie à laquelle même ses détracteurs les plus opiniâtres reconnaissent une grande pertinence. Avec la psychose on n'est pas dans le métaphorique, mais dans le littéral.


Ce style de discours est en grande congruence avec son objet.

En effet, le terme de l'analyse se signe de la réapparition de l'objet a dans le réel (SXV 74).

Notons qu'il réapparaît au lieu d'être dit appraître simplement. Dans l'angoisse s'agit-il également d'une réapparaition ou d'une apparition ?

Notons que dans la psychose c'est le signifiant qui apparaît, d'être forclos, dans le réel (SI). Le signifiant, pas l'objet a. C'est donc encore autre chose.


Pour que cette réapparition soit possible, il faut que le psychanalyste soit déjà le représentation de ce qui masque ... cette vérité qui s'appelle l'objet a (SXV 73). Cela dépend-t-il pour le psychanalysant à ce par quoi communique tout être humain dans toute fonction avec son semblable (SXV 75) en ce qui concerne le psychanalyste ?

Un trait suffit-il ? Une amie appelant un psychanalyste au téléphone pour prendre rendez-vous me dit qu'il lui a bien plu au téléphone, car il était désagréable et antipathique.

Il y aurait un nombre, vaste certes, mais tout de même pas illimité de semblants qui pourraient être attribués par les psychanalysants à tel analyste. Q'est-ce qui fait transfert ?


Si l'analyste fait un acte de foi bizarre (SXV 76) en affirmant ce que son analyse lui a appris comme n'étant pas, à savoir le sujet supposé savoir qui se trouve rayé de la carte, quel est le lien entre le fait que le psychanalyste représente ce qui obture l'objet a de l'analysant et le sujet supposé savoir que pose le psychanalyste ?


Séverine Thuet






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