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severinethuet

La communauté des analystes ou la planète des singes, l'analyste ou le piège à dieux.


Cartel du 7 octobre 2014.

Lecture du séminaire XII, Problèmes cruciaux, 1964/1965.


La communauté des analystes ou la planète des singes,

l'analyste ou le piège à dieux.



L'énième référence de Lacan à sa lecture du Banquet de Platon (SXII 131) m'a donné l'élan pour la reprendre, afin de solder en quelque sorte son élaboration de la diffraction de la demande et du désir, en tant qu'elle est au principe de la direction lacanienne de la cure.


La question que je me suis posée est de savoir s'il y a un rapport entre, d'une part, l'objet a de l'analyste en tant que sujet et analysant et, d'autre part, l'objet de son désir d'analyste. Ou si l'objet de son désir se réduit à ceci que l'autre désire.


L'analyse personnelle de l'analyste l'a censément conduit jusqu'au cernement de la cause de son horreur propre[1] (cf la jouissance à soi-même ignorée de l'homme aux rats), où se retrouve de singulier, processus qui l'aurait nettoyé de la jouissance. Pas des passions (SVIII 223).


Par le transfert et à la fin de l'analyse, le sujet est passé du statut de l'aimé au statut de l'amant, de celui qui est objet du désir à celui qui est le sujet du désir. C'est la signification de l'amour. Le désir demeure pour l'éternité le désir de l'Autre, c'est pourquoi, nous dit Lacan, l'analyse est toujours possible, même pour le plus analysé des analystes.


Le sujet était celui qui ne savait pas ce qu'il avait de caché, il est maintenant sujet du manque (SVIII 235).


Comment ce manque peut-il avoir pour objet le désir de l'autre (le patient), ce qui définit le désir de l'analyste ?


N'est-ce pas ce que Lacan nous décrit du désir de l'enfant dans le SIV : son désir a pour objet le désir de l'Autre maternel, ensuite seulement il a pour objet l'objet de son désir, le phallus. L'enfant se demande ce qu'elle veut, le patient se demande ce que lui veut l'analyste.

L'analyste doit ne rien demander, il doit donc resté masqué comme la mante religieuse.

Comme dans la planète des singes, il suffit d'en porter le masque, et on y croit.

L'analyste ne doit pas être un singe (ce n'est pas du transfert de l'analyste qu'il est question il n'en est pas question, dans les deux sens de la formule : les règles peuvent par exemple être suspectées de participer à une identification indue SXII 133), il ne doit pas singer son analyste ou un autre, mais doit porter le masque de la mort.


Lacan est contre le drive parental comme drive de l'analyste (SVIII 235 et 240) car il empêche le transfert : pour que l'analyste n'empêche pas le transfert, il faut qu'il reste un piège à dieux (SVIII 175), tel Socrate : que son agalma reste caché, qu'il ne parasite pas le patient comme la mère parasite l'enfant de son désir.


L'on m'a rapporté un propos tenu en séminaire par Vanier, propos selon lequel le désir de l'analyste ne pouvait pas être dit ou décliné comme étant celui de Mr Untel. C'est donc le désir de l'analyste en général.

Pourtant, il est bien relatif, comme tout désir, à une demande, demande d'analyse d'abord, demande de tenir la position de l'analyste ensuite, que son analyste aura défaite et déjouée. La seconde demande peut-elle être autre chose que relative à l'objet-cause du désir qui déborde de la première demande ?


Si la position de l'analyste lacanien est la position de l'analyste tout court, et que le désir du sujet analyste se laisse appréhender dans sa théorie (SXII 130), quel est le désir de Lacan saisissable dans cet appel au nettoiement de la jouissance et au détournement de la demande ?


Quant à la nécessité de ne pas répondre à la demande, car cette satisfaction risquerait d'éteindre le désir (d'où son explication de l'anorexie comme essai de maintenir le désir), l'on peut se demander comment il serait possible de répondre à la demande : car, pour autant que l'on se place dans la névrose et non dans la psychose, la mère, l'analyste et tutti quanti, quelque chose cloche nécessairement dans le rapport entre la demande et la contre-demande, le désir déborde toujours de la demande, y compris de la contre-demande (laisse toi nourrir, dit la mère, parle-moi, dit l'analyste), la mère désire ailleurs, l'analyste travaille sur sa demande, et désire ailleurs également. Il n'y a pas de rapport sexuel, nous dit-on, il n'y a pas d'oblativité (sauf dans la demande anale, nous rappelle Lacan, c'est la mère de Portnoy, Sade et les nazis qui avaient tout compris), donc de toute façon il ne peut pas y avoir de satisfaction de la demande si tout le monde est névrosé.


Si le désir de l'analyste a pour objet le désir de l'u/Autre, c'est-à-dire que le patient devienne le sujet de son désir, le sujet du manque, l'amant, ce sujet qu'est l'analyste est l'incarnation stricte de l'énoncé "Mon désir est le désir de l'Autre".


Cet énoncé serait à la fois la définition de la position de l'analyste lacanien, la structure du désir pour tout sujet, analysé ou pas analysé, et la définition de la position de l'enfant, objet a incarné de sa mère (SVIII 251).


De même, la seule identification qui demeure de l'entreprise de destruction identificatoire est l'identification à la saloperie qui supporte le sujet (SXI), l'identification à l'objet a, et l'analyste doit être, à la fin de chaque analyse qui irait à son terme, identifié à l'objet chu du patient.


Il y a ainsi une congruence parfaite entre la structure, la position de l'analyste, et la théorie.

La praxis va si loin que ce n'est pas seulement le mode d'être (l'éthos) que modifie la théorie, le sujet-analyste doit être conforme à l'être. Loin d'être un métier, prendre la position de l'analyste est une conformation à l'essence des choses.

Tout est à plat en quelque sorte, sur une même ligne (une même surface de Moebiüs, mon dieu !), l'être, la théorie, la pratique.


L'être, revenons-y, Lacan prétend y toucher avec l'objet a, qui serait l'origine synchronique (SXII 130). C'est une autre formulation de l'être, d'où l'ontologie subjective qu'il nous livre (SXII 135).


Sa pensée de l'objet a la mérite d'épingler la singularité, ce que ne permet pas sa pensée du sujet : il n'y a rien de plus interchangeable qu'un sujet et un autre sujet, puisque le sujet est réduit à une combinatoire (SVIII 178).

Ce qui fait qu'un être est unique est l'objet auquel il se réduit lamentablement (sein merde phallus SVIII 181- voix et regard sont exclus du domaine de la névrose SXII 130) : l'objet peut seul arrêter la métaphore (patauger dans la recherche de sens-sexuel SVIII 251, dans la vie et dans la cure). C'est l'objet qui fait que soi, l'autre, sont sans balance avec les autres (SVIII 179), donc peuvent être objet d'amour et de désir.


Lacan, nous apprenant ce qu'est le désir, nous apprend ce que doit savoir l'analyste, l'essentiel de ce que doit savoir l'analyste, tout ce que doit savoir l'analyste.


Socrate étant l'analyste, Alcibiade le patient :


Socrate ne connaît que les choses de l'amour (SVIII 190) : ne savoir que cela est l'indication primordiale, car l'analyste ne doit pas savoir ce que le patient désire (SVIII 234). Indication négative quant aux effets des classifications et autres savoirs nosographiques.


La raison en est que la compréhension de la demande implique et redouble la demande (SVIII 249) : c'est parce que nous croyons pouvoir répondre à la demande du sujet que nous avons le sentiment de comprendre (SVIII 238). La mère qui sait qu'il a froid ou faim.


Bon, il a pourtant bien compris quelque chose au désir d'Alcibiade, puisqu'il lui montre in fine quel est l'objet de son désir, à savoir Agathon.

Socrate est, des deux, celui qui désire. L'essence de Socrate est le vide, le creux , un non-savoir constitué comme tel, appel du vide au centre du savoir (SVIII 189). Il y a eu mutation économique de son désir (SVIII 225), il s'est détaché de son automatisme de répétition, a lâché l'objet.


Pourquoi y a-t-il déchéance de l'analyste à la fin de l'analyse ?


Parce que l'apparition du désir implique la déchéance de l'amour à l'objet (SVIII 207), la chute de l'Autre en autre (SVIII 214-titre du séminaire SVXI). Il y a alors rejet de la fiction (l'analyste devient à la fin de l'analyse la fiction rejetée SXVI 347). Est-ce le cas de tout amour, y compris entre un et un, en dehors de l'analyse ?


Séverine Thuet.




[1] Comment finissent les analyses, collectif champ freudien, 158.


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