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Le réel, le sexe, le cartel. De l'effectivité analytique du Cartel.

Le réel, le sexe, le cartel.


Allocution prononcée aux Journées des Cartels d'Espace Analytique en Janvier 2011.


De l'effectivité analytique du Cartel.


Il est plus ou moins admis par tous que le concept de réel issu des textes lacaniens des années 50 n’est pas un concept opératoire pour la pratique analytique.


C’est pourtant cette période que notre cartel étudie.


Soit l’on croit à la possibilité et à la pertinence de l’atteinte du vrai en matière de théorie analytique, et il serait alors recevable de prendre comme axe de cette intervention la pure logique des concepts.

Toutefois, produire un énoncé théorique sur la question qui est ici et maintenant la mienne, à savoir l’assomption de son propre sexe, d’abord, prétend délier le discours lacanien de son adresse qui en constitue pourtant l’objet en son sens fondamental, c’est-à-dire de produire des effets d’analyse, ensuite, ne relève que d’un arrêt arbitraire du fil de l’enseignement lacanien, arrêt qui délie indûment, en analyse, l’énoncé du sujet de l’énonciation, enfin, contredit la nécessité, rendue publique, ce qui veut dire effective, ici même lors de la précédente Journée, de se désinstaller de la position philosophique dans l’appréhension des textes, ce qui implique de sortir de la pure logique des concepts.


La difficulté devient donc de ne pas prétendre à la vérité théorique tout en produisant un discours ayant tout de même quelque intérêt théorique.


Et s’il s’agit de donner une effectivité analytique à la notion du réel dans le cadre des Journées du Cartel, nous ne pouvons que partir du cartel comme lieu où s’élabore une effectivité analytique des questions théoriques. Je pars ainsi de l’hypothèse selon laquelle ce qui est au travail dans la mise en commun de notre compréhension au sein du cartel, c’est-à-dire, d’abord, que les points où s’accroche, pour chacun, le désaccord du dialogue entre les cartellisants, est en rapport avec ce qui est en jeu dans la cure et le désir de l’analyste.


Les points de résistance de mon discours au cœur du dialogue avec les autres quant au texte lacanien sont le recul devant la nécessité que le père fasse la loi à la mère, la mise en question de la théorie analytique par les revendications homoparentales quant à la correspondance de la différence parentale et de la différence sexuelle, l’effroi naïf devant l’apparente translation de l’injonction à s’identifier au phallus de l’enfant à la mère.

Ces points, qui ne sont que des traductions imaginaires, donc impropres à saisir le rôle du signifiant phallique en tant que signifiant, s’accordent bien mal, pour ne pas dire qu’ils contredisent directement, semble-t-il, les effets de la cure, à savoir une normativité du désir et de la jouissance, jusqu’à une conformité à l’idéal féminin qui se signe par exemple de la recréation onirique de la deuxième formule lacanienne du désir présentée dans le livre V du séminaire comme suit : « Oui, je le veux bien », énoncé qui condense le slogan de la femme-cliché l’Oréal et le consentement à l’union conjugale avec l’autre sexe.


Cette contradiction culmine dans une production onirique répétitive qui présente l’analyste à venir comme devant être produit par la fécondation d’un analyste homme puis par le devenir homme signé par l’hystérisation de celui qui m’accompagne. Ce devenir indique plus clairement encore une inscription des plus conformistes dans la dialectique de l’échange du phallus symbolique. Sauf que mon devenir-autre consubstantiel au devenir-femme de celui qui me fait femme se trouve conjoint, dans le rêve, à l’affirmation suivante, énoncée par un des représentants de ce lieu : « Vous êtes ici chez vous ». Le devenir-autre-quant-au-sexe est, par le rêve, conjoint à une appartenance à la société des analystes.

L’incarnation ou figuration du sexe de l’analyste sur la scène du rêve questionne ainsi les modalités de l’assomption de son propre sexe et les rapports de l’analyste à la sexuation, la sienne comme celle de l’autre.


Car, que l’identification à l’analyste passe par la fécondation ou la virilisation créee par la féminisation de l’autre, la déphallicisation concomitante à la destitution subjective semble ici ratée, l’impossibilité qu’il y aurait à être une femme analyste répétant, d’abord, l’impensabilité d’adresser la demande d’analyse à une femme, ensuite, le rêve inaugural de la première analyse qui met en scène un corps dont la surface est dévorée par le noir, noir de l’inconscient comme du féminin.


En bref, cette figuration onirique du désir de l’analyste est-elle encore prisonnière du mirage de l’attribution phallique ?


Le questionnement quant au sens du refoulement originaire, défini par Freud, interprété par Lacan, traverse le travail de notre cartel, depuis son début, et c’est le travail sur sa définition, par Lacan, dans notre dernier texte étudié, La signification du phallus, qui constitue le pivot de mon essai d’articulation entre le travail du cartel sur le réel et cette intervention, qui vient entre la cure et la théorie.


Si bien que, malgré l’arbitraire qui caractérise la prise au mot d’une pensée en devenir quant au réel, c’est la nature du rejeton du refoulement originaire dans ce texte qui à la fois clôt le travail passé et ouvre sur le travail commun à venir.

Je rappelle cette définition : « Ce qui ainsi se trouvé aliéné dans les besoins constitue une Urverdrängung de ne pouvoir, par hypothèse, s’articuler dans la demande : mais qui apparaît dans un rejeton, qui est ce qui se présente chez l’homme comme le désir (das Begehren) ». La question est la suivante : le désir en tant que rejeton du refoulement originaire est-il de l’ordre du signifiant, ce qui doit être le cas s’il s’interprète, ou de l’ordre du réel, en tant qu’il est exclu de l’articulation signifiante et, dans ce cas, comment opérer avec lui ? L’on peut d’ailleurs se demander alors de quoi l’on parle quand on parle du désir de l’analyste à travers cette définition.


Revenons aux premiers pas de la pensée de la sexuation : à l’orée de l’affirmation du Nom-du-Père comme étant le signifiant manquant et discriminant de la psychose, Lacan définit par opposition la fonction de la Bejahung comme assomption symbolique : « …c’est avec ce qui reste [de la Bejahung] que le sujet se compose un monde [entendons, un monde partageable], et surtout, qu’il se situe dedans, c’est-à-dire qu’il s’arrange pour être à peu près ce qu’il a admis qu’il était, un homme quand il se trouve être du sexe masculin, ou une femme inversement ». (Liv III, 96).

Nous avons admis que la Bejahung désigne, d’une part, l’affirmation d’une première batterie de signifiant, concomitante de la constitution d’un premier réel expulsé, c’est-à-dire la Bejahung comme correlée à l’Austössung, d’autre part, l’assomption du Nom-du-Père, c’est-à-dire la Bejahung comme opposée à la Verwerfung.

Cette double définition ne recouvre pas le double enjeu compris dans la phrase de Lacan, à savoir la composition du monde et l’assomption de son propre sexe.

Car la recréation, par le singulier, du monde partageable, présuppose également le signifiant de la loi en tant qu’il établit une congruence entre le réel et le symbolique. Les deux enjeux de la Bejahung sont donc des fonctions de son sens de métaphore paternelle.


Par ailleurs, la description des enjeux de la Bejahung s’intègre à sa caractérisation comme universellement défaillante, ce qui explique que l’on ne rencontre que des malheureux, vérité dont l’admission signe le psychanalyste, selon Lacan. C’est dire que, déjà à cette époque, la congruence entre le réel et le symbolique n’est pas parfaite.


C’est pourquoi l’on peut se demander ce qu’il advient de ce reste, le réel du sexe non métaphorisé, comme le réel non symbolisé du monde, de même ce qu’il en est de leur rapport ou équivalence. En vertu de la distinction entre le sexe anatomique et la sexuation inconsciente, l’on ne peut identifier ce réel du sexe à ce que Lacan explicite comme le fait de se trouver être de tel ou tel sexe, qui devrait être admis ou assumé par le sujet, l’on peut donc penser que la Bejahung ne fixe pas une fois pour toutes la composition du monde et l’assomption d’un sexe unique.


Posons que ce réel du sexe non métaphorisé relève du désir en tant que rejeton du refoulement originaire selon Lacan dans La signification du phallus, texte qui assume alors l’incohérence entre le symbolique et le réel par le biais de la division de l’Autre.

Ce réel est alors ce qui insiste dans le rêve et dans l’analyse, de sa demande à son désir puis à son acte.


D’où la question de l’incidence du réel non métaphorisé du sexe dans l’opération analytique.


Précisément, un certain mode de la parole sur le rêve s’arrête selon Freud devant l’ombilic du rêve, qui, selon Lacan, dans une réponse à Ritter en 75, désigne le refoulé primordial ou originaire, qui a quelque chose à voir avec le réel et qui est nommable.


L’autre hypothèse est donc qu’un certain discours puisse permettre de nommer quelque chose du réel par le biais de la fiction onirique, fiction qui regarde à la fois l’assomption de son propre sexe et le passage à l’analyste.


Même si, le réel est, par définition, insaisissable par toute construction symbolique, puisqu’il est ce qui se trouve rejeté par la mise en forme signifiante.


Ainsi, de même que l’identification au type idéal de son sexe, c’est-à-dire l’identification imaginaire, exige, selon Lacan, « l’installation dans le sujet » (SPhallus685) d’une position inconsciente dont on peut penser qu’elle résulte d’une identification aux insignes de l’Autre, l’on pourrait penser que le rêve de l’analyste-homme présente le résultat d’une identification idéale à l’analyste porteur du phallus imaginaire.

Mais l’indexation fondamentale du rêve à la catégorie du réel, l’assomption du sexe féminin issue de l’analyse, ainsi que le-devenir-autre-quant-au-sexe conjoint à l’admission dans la société analytique, suggère, davantage qu’un refus de la castration, l’incarnation, par le rêve, du rapport à l’Autre sexe, voire du défaut de phallus symbolique.

En effet, ce défaut se présente comme ce qui manque au sujet, quel que soit le sexe qui puisse lui être attribué, et correspond à la défaillance structurelle de la congruence entre le symbolique et le réel.


Ainsi, si l’on met en rapport le désir du rêve et le désir de l’analyste mis en scène par le rêve, ce qui, du rêve, serait ainsi nommable, hors de la cure, mais pas hors transfert, puisque ce vous en êtes à la fois l’un des déterminants et l’adresse, ce qui serait ainsi nommable est le rapport de l’analyste au réel du sexe non métaphorisé en tant qu’il est ce qui résiste à la symbolisation.


Ce dégagement de l’indexation du devenir-analyste au réel de la différence des sexes suppose que, en ce qui regarde la demande de prendre la place de l’analyste, ce qui se trouve normalement rejeté de la mise en forme signifiante qu’est la demande, peut ne pas être recouvert par les signifiants de l’Autre ou contre-demande.


C’est seulement par ce silence que désir de l’analyste peut se distinguer de la demande, et être conditionné par le défaut de phallus symbolique.


D’où deux interrogations : comment le réel ici circonscrit est mis en jeu dans le symptôme de l’analyste à venir, cette mise en jeu devant produire autre chose que l’élucubration d’un sens assigné à ce dont le rêve fait montre, et si ce reste, qui excède la fixation du sexe par la métaphore paternelle, ne serait pas structurant quant à la sexuation.


Séverine Thuet

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